Les Poèmes de Carole Devalland
L’enfance
Dans son regard étonné,
Toute la joie de vivre
Ne fait que refléter
L’envie juste de survivre.
De ses gestes saccadés,
Si souvent maladroits,
Elle ne veut que jouer
Et tout toucher du doigt.
De ses douces vocalises,
Chaque jour en émoi,
Que jamais les adultes ne lisent
A la recherche d’un soi.
Dans ses rires fanfaroniques,
A gorge déployée,
Entretenant l’âge magique
Par le grand modelé.
Aujourd’hui, père puissant
Arrête de décimer
Le seul et unique instant
En essayant durement de la conditionner.
Demain, mère aimante,
Stoppe l’araignée affamée
Qui comme de l’amiante,
L’empêchera de respirer.
Laisse à l’enfance
Sans la laisser démunie
D’entrer dans la danse
Et de construire sa vie.
VIVRE
Vivre pour voir les étoiles flamboyer
Vivre pour pourvoir l’air respirer
Vivre pour sentir l’énergie se dupliquer
Vivre pour lire le sentiment s’exprimer
Vivre pour dessiner le passé
Vivre pour voir l’enfant s’élever
Vivre pour pouvoir son image accepter
Vivre pour distinguer le reflet s’éveiller
Vivre pour sentir l’innocence s’envoler
Vivre pour lire les liens sacrés
Vivre enfin pour ne pas se voir partir
Vivre enfin pour ne pas avoir à se le dire
Vivre enfin pour ne pas s’avilir
Vivre enfin pour accepter de mourir
Vivre enfin juste pour s’assagir
Absence de matière
Gommer le mouvement
N’exprimer que silence
Ne ressentir qu’engouement
Quand s’endorment les sens
Cependant, là, la présence
Mère de toute essence
Mettre son corps en absence
Communier avec soi dans l’aisance
Dompter les effusions
Figer os et chair
Energies et ondes, seule réaction
Lire dans l’esprit comme dans un livre ouvert
Discerner, deviner les halos de lumière
Adopter une démarche altruiste
Sans regarder en arrière
Tendre alors une main alchimiste
Un tour de sang,
Un tour de main
Par un rite exaltant
Devenir magicien, enfin.
Le pantin
Et si je n’étais
Qu’un pantin de bois
Et si je n’étais
Qu’une ombre vide.
Et si je vivais
Pour une autre que moi
Et si je vivais
Qu’un moment acide…
Et si je marchais
Dans les pas d’une autre
Et si je marchais
D’une salve automate…
Et si je dormais
Dans un corps tout autre
Et si je dormais
Dans une peau plus mate…
Et si je mourais
Là, comme cette autre
Et si je mourais
Sans avoir vécu…
ARTISTAN
A tous ces fossoyeurs
Ramenant sisyphement
Le restant fané de ces fleurs
Couchées sur testament.
Contrairement à tous ces penchants
Vous messieurs les artisans
Avez su mettre l’accent
Sur ce qui est véritablement.
Les dures journées de labeur
Ne savent pas vous faire peur
Etant de vos vies les acteurs
Aucun tressaillement à l’action du moteur.
Chaque minute de l’heure
Epouse sereinement les battements de vos coeurs
Car rien de vous ne vous ecoeurent
Puisque tout vient de l’intérieur
TA DIFFERENCE
Quelque soit le lieu,
Quelque soit le temps,
Rien n’a jamais pu
A travers le temps
Faire disparaître
Passions et haines à propos d’elle.
Chacun que trop conduit
Par un nombrilisme exorbitant,
Ne peut concevoir
De se voir côtoyer
Par ce qui est un non lui
Et qui se rapproche
De ce que l’on ne veut pas être
De peur de se perdre
Dans l’inconnu de l’autre
Que trop étrange
Par son aspect
Par sa pensée
Par sa culture
Pourtant pas si étrange
Et bien souvent si riche.
Glisser dans l’ignorance
L’esprit que trop cloîtré
Effrayé par la vision
Peut-être pas si vilaine
De ces pensées extérieures
Procurant certainement
Une autre chaleur
Mais tellement si souvent
A faire fondre
Le dégel des coeurs
Si pris dans la glace
De la normalité
Dans la rigidité
Que trop sordide
De la violente humanité
Ne serait-ce pourtant pas plus facile
De libérer sentiments et instincts ?
Admettre égalité et respect ?
Ne pas se croire au-dessus de tout
Comme tant l’ont fait
Et que trop souvent sont
Nos modèles par procuration ?
Désapprendre, réapprendre
L’autre dans sa plus humble réalité
LE FIL DU HASARD
Hasardeusement, la ruelle cahoteuse
Empruntée sans aucune prudence,
Entraînant l’âme pure chahuteuse
Dans ces tourbillons de tourments.
Cruellement, sans aucun pressentiment,
S’engager dans la vie sans le moindre filet
Atterrera sur le champ les plus humbles passants
Qui au détour d’un recoin seront pris au collet.
Malheureusement, recherchant les comments, les pourquois
Auxquels toute réponse ne changera l’animal
Qu’il se croit Comte, Prince ou Roi
D’aucun lien, il se détachera du mal.
Finalement, suivre des chemins étiquetés
Par les plus connaissants ou les charlatans
Ne seront d’aucune aide dans ce brouhaha aménagé.
Personne… ne sait réellement ou aller.
Le meilleur chemin est le tien.
AMI
Je t’ai perdu Ami
Je le regrette alors
A minuit, à midi
Ceci sans mon accord
Le reflet de la vie
Ressemble à une mort
J’attends là de renaître
Sans pourtant t’oublier
L’éloignement reconnaître
Et te laisser voguer
Et enfin l’admettre
Te laisser avancer
Fuir ici ton image
Pour ne pas me noyer
Revenir à la nage
Glisser sans m’essouffler
Je rêve d’être mage
Guidé par l’étoile du berger
Je te le dis ici
Et nulle part ailleurs
ça ne pourra aujourd’hui
Calmer mon ardeur
De croire à l’infinie…
Tendresse qui ravissait mon coeur
LES ARTIFICIERS
Sans fond, sans fin
S’en vont ces artificiers
Au fil du chemin.
Unique pensée : se gratifier.
Sans coeur, sans veine
Ils voguent sur le reflet de la mer
Au fil du voyage sans peine.
Unique sentiment : ne jamais toucher terre.
Sans peur, sans crainte
Ils dessinent le chemin de leur vie
Au fil du tracé graphique sans contrainte.
Unique réflexion : profondeur démentie.
Enfin, quelle île veulent donc atteindre
Ces légers artificiers ?
Qui en un seul sens n’attendent que de se peindre.
Unique concession : paraître vient en premier.
N’atteindre que l’ombre de son être,
N’atteindre que le reflet de son image,
Satisfaction garantie pour eux, ne jamais être.
L’impalpable air de leur vie ne peut les rendre sages.
Car l’air, juste du vent…
Vent impétueux du néant,
Un énorme trou noir
Aucune existence , il aura face à ce miroir.